Une carte blanche offerte à la Clique d'Arène, troupe de scène au grand coeur... Un texte inédit pour une soirée...
Alors je viens tout simplement, pieds et mains nus, une carte blanche à la main.
Carte blanche, carte vierge, vide, à remplir de tout ce qu'on veut, de ce qu'on a envie de dire, envie de faire, de raconter.
Et là les idées se bousculent dans ma tête, les idées se mêlent et s'entremêlent. Elles le font même si bien que je n'y vois plus rien. Elles sont terribles, les idées quand elles se mélangent comme les cartes d'un jeu qu'on brasse à en brouiller les pistes. C'est comme un grand labyrinthe, un musée aux couloirs ondulants où les idées courent dans tous les sens, à vous faire perdre la tête. On en suit une et sans prévenir une autre débarque et vous embarque ailleurs.
Me reviennent en tête des idées déjà eues, les histoires déjà racontées mais que je pourrais raconter encore. Et puis des bouts de nouveaux mots à assembler. Ou encore des mélanges d'ancien et de nouveau. Mais quoi raconter ce soir justement, pour ce moment là, maintenant.
J'avais envie de vous parler d'histoires de cartes, alors je pourrais vous parler de ceux qui n'avaient pas de papiers et qui cherchaient des cartes d'identité face à un monde sourd et silencieux.
L'histoire de l'un d'entre eux, un petit oiseau blanc chassé de chez lui et venu s'installer ici, venu trouver refuge sur notre terre d'accueil. Petit oiseau blanc chassé à nouveau, encerclé par de grands corbeaux noirs et sérieux, assailli de mots acérés de justice à appliquer.
La justice, cette balance implacable qui tantôt penche d'un côté pour certains à qui elle donne le droit de rester. À qui elle donne comme au petit oiseau blanc, une carte d'identité, un carte d'électeur, une carte pleine de droits.
Justice qui penche tantôt de l'autre bord pour d'autres qui se retrouvent sans une seule carte en main et n'ont plus de droit. Juste le devoir de retourner vers un chez eux qui est déjà devenu un ailleurs...
Je pourrais vous raconter l'histoire de ceux dont on disait qu'ils n'étaient pas des anges. Ces anges là, tous petits, on leur coupait les ailes et on les mettait dans une grande maison, la maison de correction. Pour corriger quoi, je ne sais pas. En tout cas il fallait que ce soit droit, que ça déborde pas. Mais les anges même dans un cadre très serré où le quotidien se répète sans cesse, droit et rigide, les anges même avec les ailes coupées, ils gardent le goût de la liberté, l'envie de s'envoler. Les jours de sortie en rangs bien serrés, ils sentaient le vent du dehors leur chatouiller la peau, leur caresser les mollets. Alors le goût de l'ailleurs les envahissait, leur montait dans le corps jusqu'au coeur. Ils prenaient leur jambes à leur cou et ils courraient. Droit devant, comme éclaboussés du grand air libre, envahis de rêves à réaliser, de vie à vivre à soi.
Ils courraient droit devant, envahi de bonheur, mais on les rattrapait toujours. On les arrêtait dans leur course éperdue et on les ramenait. On les enfermait à nouveau. Certains avaient même droit aux piqûres d'eau salée dans les jambes. L'eau salée, la mer, le grand large, l'horizon, ça laisse rêveur, ça sent la liberté. Mais ces piqûres là étaient plutôt comme des coquillages acérés qui vous cisaillait les jambes jusqu'à vous couper l'envie de vivre.
Depuis la maison a fermé, les anges sont sortis, et ils ont grandi. Leurs ailes ont repoussé, mais elles gardent à jamais la trace de ce temps passé là...
J'avais envie de vous parler de voyage mais je n'avais pas la bonne carte et j'avais peur de me perdre en route.
J'avais envie de vous parler de cartes au trésor. Vous raconter tous ces rêves bien cachés au fond de nous, qu'on cherche à retrouver, à sortir de nous. Tous ces rêves à vivre, à partager...
J'avais envie de jouer cartes sur table, pas juste pour un tour. Construire un grand château avec ces petits bouts de rien assemblés. Et il y aurait tout en haut de ce château une princesse, un dragon, un magicien, une petite fille, perdue, une bougie qu'on allume, la chaleur qui réchauffe. Il y aurait des rires pour chasser la nuit, la lune qui veille doucement, des bruits là bas au loin, peut être un roi et une chanson remplie d'amour. De l'imaginaire et si quelque malade, une médecine douce et populaire. Il y aurait Arsène et toute sa clique réunis pour nous faire rêver et partager ensemble des moments à ne pas oublier.
Il y aurait des cartes blanches toute la nuit et des étincelles dans les yeux. Cartes blanches, cartes vierges, vides, à remplir.
Et je suis là pieds et mains nus, une carte blanche à la main. Carte peut être plus si vide qu'au début finalement. Ce n'est pas palpable, ce sont des mots dits, des histoires inventées, c'est la magie de la scène et c'est invitée par la Clique d'Arsène que je vous livre cette carte blanche.
Je la dépose à mes pieds à vous d'en faire ce que vous voudrez..."
Vanessa Karton
le 13 décembre 2008
le 13 décembre 2008
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